Caroline, bonjour. Merci de nous accorder cette interview. Vous accompagnez des sportives (et quelques sportifs) dans la construction de leur image et dans la négociation des partenariats avec marques et sponsors. Certaines ont été sur le podium des Jeux Olympiques ou l’Euro… Vous êtes passée d’un métier de communication en salariée à votre métier de RP en indépendant…
Alors, pour vous, nous avons préparé une interview Hand in hand. Prête ?
Oui !
Alors, commençons au début de l’histoire, lorsque vous étiez petite, étiez-vous déjà du style Pom Pom Girls, à communiquer votre énergie pour mener à la victoire ?
Pas vraiment, j’étais assez trouillarde, j’ai dû trop lire Le petit chaperon rouge… Mais j’étais très curieuse, et j’ai toujours eu une grande énergie. Alors, assez vite, en grandissant, la petite chose timide a viré Pom Pom Girl. La curiosité et l’énergie de faire des choses qui comptent ont pris leur place. J’ai été fille unique jusque mes 15 ans et j’ai grandi entourée d’adultes, ce qui m’a probablement fait mûrir plus vite que les autres. Par exemple, quand on me demandait quel métier je voulais faire, je ne répondais pas devenir coiffeuse ni infirmière comme la plupart de mes copines de l’époque mais préfette, au féminin, avec la touche féministe qui était déjà posée.
Aviez-vous peur de l’échec ? Le vôtre ou celui de votre équipe…
Je n’ai pas connu cette peur, j’ai toujours été convaincue que ça allait bien se passer, j’avais une certaine confiance en moi. J’ai rapidement trouvé ma place à l’école, et le fait d’être entourée d’adultes a dû me donner un sentiment de sécurité, une assurance qui forge une certaine volonté.
Le moment où vous avez découvert que vous aviez cette capacité à accompagner les autres plus loin ?
Je ne suis pas sûre de pouvoir répondre à cette question de façon précise. Peut-être dans mes premiers postes de direction de communication… J’avais tendance à aller au-delà de ma fiche de poste, à grapiller sur les prérogatives des autres, sans en avoir réellement conscience. Puis, quand j’ai commencé à travailler avec les sportifs, j’ai réalisé les ressemblances entre les postes et fonctions que j’avais occupées, le glissement dans cette direction qui s’était fait de manière empirique. Et lorsque j’ai entrepris une psychanalyse, je me suis rencontrée et j’ai compris pourquoi je faisais ce que je faisais. Cela a dessiné les pistes qui m’ont permis de poursuivre ma route.
La construction a été progressive et l’épanouissement va au-delà du succès de ma petite entreprise. Je suis heureuse de pouvoir prendre seule mes décisions et de choisir avec qui je veux travailler. Ça me correspond.
Après le dernier poste de direction de communication que j’ai quitté un peu dans la douleur fin 2012, j’ai pris le temps de respirer pour la première fois de ma vie sans enchaîner directement sur un autre poste. J’ai passé un certain nombre d’entretiens et je me suis aperçue que je terminais systématiquement en short list et toujours en deuxième place. J’aime beaucoup Poulidor, mais je ne suis pas vraiment fan de cette deuxième place, alors, je me suis remise en question et j’ai compris : j’étais bonne, mais pas excellente. J’avais le bon CV, mais plus la flamme. Quand j’ai compris cela, j’ai envisagé de me mettre à mon compte. Et là, les hasards de la vie s’en sont mêlés. J’ai rencontré George Wéah, ancien ballon d’or qui voulait se présenter aux présidentielles au Libéria et qui est toujours en exercice aujourd’hui. Je l’ai accompagné pendant quelques années, il passait du sport à la politique et moi, je faisais le chemin en sens inverse. Grâce à cet accompagnement, j’ai commencé à étoffer mon carnet d’adresses dans le domaine du sport qui était mon autre passion.
J’étais donc entre les deux univers. Au même moment, Sarah Ourahmoune – que je connaissais déjà et avec laquelle j’étais en relation sur les réseaux – postait un message sur les réseaux sociaux, dans lequel elle expliquait son envie de se qualifier pour les jeux de Rio après la naissance de son enfant. J’ai commenté son post d’un « Je trouve ça extra ! ». et je l’ai partagé. Elle m’a envoyé un message de remerciements, on a discuté et elle m’a dit « pourquoi tu ne m’accompagnerais pas ? ». Je n’ai même pas réfléchi, j’ai répondu « oui ». J’avais tout de même oublié un petit détail : je n’avais pas de statut juridique, et j’étais assez effrayée de plonger dans le grand bain, sans parler de l’aspect administratif… Sarah m’a aidée, j’ai pu bénéficier de son mental de sportive et c’était réglé en deux temps, trois mouvements, URSSAF, statuts bim, bam, boum, c’était parti. Nous étions en 2015. Évidemment, je me posais régulièrement la question de la légitimité à être là où je suis et à faire ce que je fais, je me cachais momentanément derrière les difficultés administratives, mais finalement, avec le temps – beaucoup de temps – je me suis sentie cheffe de ma toute petite entreprise. Aujourd’hui, j’accepte tout ce qui va avec et j’avoue que je tire une certaine fierté à gérer mon foyer sans filet de sécurité, seule avec mes trois enfants.
La dernière fois que vous avez eu peur d’accompagner quelqu’un ?
Je n’ai jamais eu peur d’accompagner qui que ce soit, mais il m’est arrivé de ne pas répondre favorablement à certains, parfois parce que je ne pouvais pas gérer une personne de plus, et parfois parce que le feeling ne passait pas. Pour moi, c’est fondamental, je dois y croire. Je fonctionne à l’instinct que ce soit sur le plan professionnel ou personnel et avec l’âge, je limite les erreurs. Je m’écoute et je n’y vais pas quand je ne le sens pas. J’ai besoin que ceux avec lesquels je m’engage partagent avec moi le même ADN et une certaine vision de la vie.
La mission qui vous a demandé le plus d’énergie ?
Question difficile… Le démarrage avec Sarah m’a demandé une certaine énergie puisque c’était la première mission. Mais en fait, chaque mission requiert sa dose d’énergie. L’histoire est nouvelle à chaque fois. J’accompagne beaucoup de jeunes femmes et avec chacune d’elles des choses résonnent en moi. Elles sont venues les unes après les autres grâce à cette belle histoire fondatrice qui s’est tissée avec Sarah. D’ailleurs, avec elle, cela va au-delà de l’aspect professionnel, notre rencontre est à part.
Mais en fait, à chaque fois c’est différent, la relation se déploie d’une façon particulière et évolue, comme un itinéraire. Et à chaque fois, il faut trouver l’équilibre dans la relation, maintenir la bonne distance tout en laissant la place à l’affect. J’y mets beaucoup de moi-même, j’ai besoin d’admirer et d’aimer ceux que je soutiens. On m’a souvent dit qu’il ne fallait pas mélanger le travail et le privé, mais je suis contre, à condition de savoir ce que l’on met derrière le mot affect. Parfois, c’est un peu une conversation ininterrompue qui passe par tous les canaux et ça déborde du cadre professionnel alors si il y a un bébé malade ou une autre difficulté le jour d’une interview, je saurai laisser la personne tranquille le temps qu’elle gère sa situation et orienter l’interview sur quelqu’un d’autre. Pour moi, l’équilibre émotionnel doit être pris en compte pour être en mesure de donner le meilleur de soi-même. Les sportifs ont un mental très fort, mais aussi des fragilités dans lesquelles ils puisent. Pour les accompagner, je vais au-delà de mon rôle de RP. J’aime beaucoup ce terme d’accompagnement, il est très juste par rapport à la relation qui existe entre moi et eux. Je les accompagne, pour qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes.
Avez-vous développé une méthode, un rituel de préparation pour affronter les difficultés que vous pouvez rencontrer dans votre métier ?
Il y a dix ou quinze ans, je n’aurais pas pu faire ce que je fais aujourd’hui. Il m’a fallu des années de thérapie, où j’ai déposé mes valises pour m’aligner avec celle que je suis. C’est ce qui m’a permis de prendre de la hauteur et le recul nécessaire pour savoir reconnaître les urgences et faire le tri. Je suis apaisée, ce qui me permet de gérer les opérations avec calme.
Ce que j’ai développé, c’est une certaine discipline : je fais du sport quasiment tous les jours, même si parfois ce sont de courtes séances, comme 10 minutes avec Sarah, je pratique aussi le yoga, la méditation… Je mets en place des rituels qui m’aident à me sentir plus énergique et patiente. J’ai besoin de me sentir bien dans mon corps et dans ma tête, c’est ce qui permet d’être plus présente aux autres. Je prends soin de moi pour pouvoir prendre soin des autres. Sans filet, je ne peux pas prendre le luxe d’être malade alors je m’entoure d’un panel de choses qui me font du bien, un ostéopathe, de l’homéopathie, de l’activité physique, une bonne alimentation… Bref, une hygiène de vie qui me convient même si je suis joyeuse et épicurienne ! Tout est dans l’équilibre que l’on acquiert en avançant et en apprenant à s’écouter.
Alors, nous arrivons à notre dernière question. Si vous deviez donner cinq conseils pour oser se lancer, quels seraient-ils ?
1. Essayer ! Car pour oser, il faut essayer, s’autoriser à faire des brouillons. Et si l’on se dit peut-être que je ne vais pas y arriver… on peut aussi se demander et si j’y arrivais ?
2. Provoquer la chance !
Mélina Robert Michon dit qu’on porte la réussite en nous. Alors il faut y aller, être curieux, s’autoriser, se dire pourquoi pas moi ?
3. S’entourer.
La qualité de l’entourage est fondamentale dans les moments où l’on a peur de se mettre à nu et de lâcher prise. Se faire accompagner, prendre conseil, cela doit être un réflexe. Moi, j’accompagne les autres, il est naturel que je me fasse aussi accompagner. C’est comme ça que l’on peut optimiser son fonctionnement.
4. S’écouter.
Faire appel à son intuition. Oui on peut se tromper. Mais les sens s’affinent avec les années.
5. Prendre du plaisir !
Ça, c’est essentiel, aucun intérêt de se lancer, de se faire peur, de bosser comme un dingue s’il n’y a pas de plaisir en contrepartie. C’est LE carburant ! Le plaisir doit supplanter le reste, sinon ça ne marche pas. Un de mes boss disait « quand tu fais deux colonnes, et quand la somme des moins est supérieure à celle des plus, n’insiste pas ». Au début, je n’y croyais pas, mais finalement, c’est le conseil numéro un.