Octobre Rose. Le mois dédié à la sensibilisation pour le dépistage du cancer du sein. Nous avons décidé de vous proposer une interview un peu spéciale, comme une capsule, pour mettre à l’honneur un sujet encore assez tabou et quelques héroïnes. Il se trouve que l’une de nous deux, co-fondatrices de Secrets de héros, peut parler de cette maladie. D’habitude, elle est plutôt « derrière » que ce soit derrière son écran, l’objectif ou toute autre chose derrière laquelle elle peut se cacher, mais là, après quelques heures de discussion, elle a accepté d’en parler sur Secrets de héros. Alors, Nathalie, je t’ai préparé une interview No Taboo (bon, tu m’as un peu aidée). Prête ?
J’ai en effet un peu de mal à parler de moi, et encore plus à me positionner comme une héroïne… Surtout après avoir interviewé et rencontré de vrais héros. Je ne pense vraiment pas être à la hauteur… En revanche, je sais à quel point cela peut être important de parler de ce cancer du sein pour toutes celles qui passent par là. D’entendre ou de lire les témoignages de femmes qui ont traversé ce tunnel permet de se sentir moins seule. Alors, je veux bien être l’héroïne du jour, si ça peut aider ! Aujourd’hui « I’m the legend » comme Will Smith…
Alors, commençons au début de l’histoire, lorsque tu étais petite, est-ce que tu étais plutôt peureuse, courageuse ou téméraire ?
Je n’étais pas peureuse, j’étais hyper peureuse… j’avais peur du noir, des monstres, qu’on vienne m’égorger dans mon sommeil, de ne pas être la meilleure en classe, de ne pas danser aussi bien que mes cousines, de ne pas être aussi intelligente que mes frères, de ne pas mériter l’amour de mes parents, de ne pas être intéressante,… je continue ? (rires) J’avais vraiment peur de tout et de tout le monde. Au point que mes parents avaient calé mon lit contre le mur mitoyen avec leur chambre « Si tu as peur, tu n’as qu’à taper contre le mur »… Le seul lieu qui me rassurait était ma tête… Je m’inventais des histoires, me créais mon monde et je jouais seule. Ce qui est assez facile au sein d’une grande famille.
Le moment où tu as découvert que tu étais plus courageuse que tu ne le pensais ?
Le courage… Je ne pense vraiment pas être courageuse. Le courage, c’est traverser l’Atlantique à la rame ou la Manche à la nage, c’est plonger sous la glace et se trouver nez à nez avec un ours polaire… Moi, je n’ai pas vraiment l’âme d’une aventurière.
En revanche, je sais que je suis dotée d’une réelle force de vie. Héritée de mes parents et transmise par l’amour immense de ma famille. J’ai toujours cette image : comme Lenny Kravitz ou M qui se laissent tomber dans la foule en sachant qu’ils vont être portés. Ma famille, c’est ça ! Au fond, je sais que quoiqu’il puisse m’arriver, ils seront là. Je n’en ai pris conscience que récemment, dans le regard des autres.
En particulier lorsque 5 petits mois après avoir subi de la radiothérapie j’ai couru les 10km du Luxembourg… J’ai couru pendant la radiothérapie car j’en avais besoin, mais au bout des 6 semaines de rayons, j’ai ressenti une terrible lassitude. Je me suis écroulée, probablement parce que j’avais mis toutes mes forces pour arriver au bout. J’avais l’impression que je ne me lèverais plus jamais… Enfin un jour, j’ai senti un embryon d’énergie et j’ai repris l’entraînement. Puis, encouragée par mon amie Magali, qui court des trails assez importants, je me suis fixé cet objectif des 10km du Luxembourg. Elle s’est inscrite pour courir avec moi. Pour remettre le calendrier en tête, la dernière séance de radiothérapie était le 25 avril et la course était programmée le 23 septembre… Lorsque j’ai franchi la ligne d’arrivée, j’ai regardé Magali avec un sourire jusque derrière les oreilles et j’ai vu qu’elle pleurait « ce ne sont pas mes larmes, Nathalie. Tu te souviens où tu étais il y a 6 mois ? »… Là, j’ai réalisé.
Mais en fait, ce cancer, à partir du moment où les médecins étaient d’accord pour dire que je n’en mourrais pas, j’ai refusé d’y être associée. J’ai poursuivi ma route avec quelques arrêts à l’hôpital, de la chirurgie, de la radiothérapie, de l’hormonothérapie, de la kiné… Que j’ai intégrés à mon quotidien… Mais ma vie a toujours été l’écriture, mon fils, ma famille et mes amis. Surtout mon fils, ma famille et mes amis. J’ai l’immense chance d’être entourée de gens qui m’aiment et qui étaient là, avec moi, tout au long de ce parcours du combattant. Entre celle qui a débarqué de Rennes pour m’accompagner aux premiers rendez-vous médicaux, celle qui m’a accompagnée à l’hôpital, ceux qui sont venus me chercher, celui qui m’a préparé à manger le premier soir, celle qui était là le jour où j’ai retiré le pansement, ceux qui m’ont prêté leur appartement à Malaga pour que je reprenne des forces, les fleurs livrées le jour où je rentrais, les messages, les passages à l’improviste avec le repas, les cafés, les coups de fil… C’est tout cela qui m’a portée.
Et la dernière fois que tu as eu peur ?
C’est le jour où le mot cancer a été prononcé. Et où ma première pensée a été : mais… et mon fils. Il allait avoir 10 ans. Je n’ai pas eu peur de mourir mais qu’il n’ait plus de mère. 10 ans, bon sang, c’est tout petit. J’étais tellement submergée d’émotions que je me suis perdue place de la République, où j’ai vécu plus de 5 ans. Je n’ai pas pu le lui dire. J’ai attendu de savoir « à quelle sauce j’allais être mangée » pour le prévenir, juste avant d’entrer à l’hôpital. Son père est venu à mes côtés pour le lui annoncer. Et même à ce moment, nous n’avons pas prononcé le mot « cancer ». Nous lui avons dit que je devais me faire opérer et qu’il allait rester avec son père pendant une semaine.
Puis après, j’ai eu peur ne pas être en état de m’occuper de lui. D’être celle qui le prive de son enfance. Je ne voulais pas lui infliger la maladie, la vision de sa mère en souffrance. Je lui avais déjà infligé une séparation…
Il y a eu encore une fois après… L’an dernier à l’hôpital lorsque je me suis réveillée et que j’ai eu cette sensation, comme une armée de tanks stationnée sur ma poitrine, cet étouffement : j’avais un pneumothorax. Un décollement de la plèvre lié à mon intervention. Alors que j’avais dit à mon fils que cette opération était bénigne… Le voir pleurer parce que je respirais comme Dark Vador et ne pouvais me déplacer. C’était trop. C’est aussi ce qui m’a donné la force de me relever plus vite !
Quelle est l’étape qui t’a demandé le plus de courage ?
Encore une fois cette notion de courage… Le mot énergie me semble plus approprié. L’étape qui a exigé le plus d’énergie, c’était de rester debout à l’annonce du second cancer deux ans après le premier. C’était… violent. La veille j’avais appris que mon premier roman allait être publié, j’allais à ma visite post opératoire, j’étais sereine, et là… BAM ! Comme une bombe qui explose… Le chirurgien avait trouvé un foyer dans l’autre sein au cours de l’intervention qui était une des étapes de la reconstruction. Un deuxième cancer et de la radiothérapie… L’ascenseur émotionnel était allé trop haut et trop bas en trop peu de temps. J’ai eu un peu la nausée… Là, faire comme si tout allait bien pour gérer le quotidien, ce n’était pas évident. Cette fois, je ne me suis pas vraiment entourée, je n’ai rien dit. J’avais probablement besoin de faire comme si ce n’était pas vrai. Je me suis calfeutrée. J’ai dit à mon fils que c’était un nouveau traitement et que ça allait durer 6 semaines. J’allais courir, je travaillais et je faisais comme si tout allait bien. Jusqu’à la dernière séance. Après… Je me suis effondrée. Enfin, pas trop longtemps non plus…
As-tu mis en place des rituels pour les « mauvais jours » ? Tu nous en parles ?
Pas vraiment. Je cours, je fais du yoga, mais je n’ai pas vraiment de méthode. J’en connais qui vont bien rigoler en lisant ça… je suis quasiment allergique aux méthodes, aux rituels et aux programmes… En revanche, je sais que j’ai besoin d’être dehors, de courir ou de nager, de voir des expos et d’écrire… un mix entre les yeux, le corps et l’introspection. Voir du beau m’inspire, me dépenser m’aide à faire le vide et l’introspection m’aide à mettre les idées en place… Pour ce qui est de l’équilibre entre ces trois piliers, je me laisse guider par mon instinct.
Alors, comme pour les autres personnes que nous avons interviewées, tu vas répondre à cette question. Tu vas nous révéler cinq conseils pour aider celles qui se trouvent au début de ce parcours du combattant
1. Ne pas avoir peur de soi. Apprendre à se connaître.
2. Trouver les piliers de son équilibre
3. S’entourer de gens bienveillants (et des bons médecins aussi)
4. Chérir les bons moments – car il y en a toujours – et y puiser la force
5. Se dire que ça va passer… Se projeter dans ce moment où l’on peut tourner la page… et couper ses cheveux !